Abstract
Le rôle de Haüy comme 'grand législateur de la minéralogie', pour reprendre le jugement de Cuvier, a laissé dans l'ombre son activité dans le domaine de l'électricité. Il est vrai que le phénomène découvert par Haüy — l'électricité de pression — a perdu son intérêt pour les physiciens à la fin du XIXe siècle. C'est l'analyse de l'évolution des attitudes de Haüy envers l'électricité qui présente pour nous de l'intérêt en ce qu'elle permet de mieux comprendre la puissance, et l'ambiguïté, du mouvement collectif qui bouleverse la physique française de la fin du xviiie siècle, mouvement dont il fut un acteur majeur . Dans les années 1770, ce religieux se comporte comme tous les amateurs d'électricité en démontrant publiquement ses propriétés spectaculaires . Lorsqu'il se consacre à fonder la cristallographie sur la géométrie, il n'oublie pas les amateurs de minéraux ; il leur propose une classification simplifiée des cristaux suivant leurs propriétés électriques, propriétés à établir avec des instruments électriques qualitatifs. Mais lorsque Coulomb fait connaître sa loi fondamentale de l'électricité, appuyée sur une expérience hautement technique et de grande sensibilité, Haüy se convertit à cette nouvelle science de l'électricité. Bien que non mathématicien et étranger à ce type d'expérience — c'est là que réside l'ambiguïté — Haüy se fait l'ardent diffuseur de cette électricité radicalement nouvelle qui rejette les amateurs hors du champ de la science. Devenu membre reconnu de la communauté physico-mathématique parisienne, Haüy s'est parfaitement intégré dans la démarche mise en avant par ses confrères de l'Académie, Lavoisier, Laplace ou Coulomb, et a définitivement quitté le royaume des amateurs de cristaux ou d'étincelles