Abstract
L’œuvre de Gaston Bachelard n’est pas toujours prise en considération dans le cadre de l’histoire de l’esthétique française. S’il est vrai que le philosophe n’a pas élaboré une théorie esthétique accomplie, ses travaux sur l’imagination et la rêverie non seulement démontrent une connaissance des débats théoriques de l’époque, mais, plus profondément, représentent une prise de position en faveur d’une « esthétique concrète » qui s’écarte des stériles disputes philosophiques d’académie pour s’appuyer directement sur la présence matérielle de l’œuvre d’art, aussi poétique que visuelle, afin de réintégrer le sentir dans le penser. Il s’agit donc d’interroger cette manière de réintégrer l’ aisthesis dans le logos à travers le travail de l’imagination, en retrouvant ainsi « une unité du monde ». C’est précisément dans la rencontre avec la beauté que le sujet s’ouvre au monde de façon pré-catégoriale et, en même temps, que le monde fait l’objet d’une expérience non-objective. Cela ouvre la voie à une esthéticité transcendantale jamais théorisée explicitement, mais concrètement mise au travail dans les œuvres du philosophe.