Abstract
Cet article interroge la manière dont la guerre devient le lieu, de part et d’autre des deux Guerres mondiales, depuis lequel se déploie une double scène de la violence, entre exposition et profondeur : d’une part un monde de plus en plus à découvert, où tout semble exposé à la violence, et où celle-ci s’allie à des exigences de luminosité continue et illimitée ; de l’autre, la guerre ne va pas cesser d’être réinvestie par de nouveaux appels des profondeurs, de nouvelles requêtes d’intériorité. L’article propose de chercher chez Walter Benjamin, dont les écrits des années trente sont hantés par la nécessité d’extraire la pensée de l’horizon de la guerre, une prise qui permet de résister à ces deux gestes et à leurs dialectiques infernales. Nous construisons cette prise à partir de ce que Benjamin nomme la pauvreté de l’expérience, et notamment la manière dont celle-ci convoque un matériau particulier : le verre et les nouveaux espaces qu’il rend pensables. L’évocation du verre est toute entière imbriquée dans des images de la violence : elle permet de fictionner des manières d’y résister, mais en partant de sa proximité avec elles, et non en rêvant leur dépassement.