Abstract
Le Quichotte de Cervantès occupe une place singulière dans l’histoire de la traduction littéraire en langue française, au moins parce qu’il a fait l’objet d’incessantes retraductions. Mais l’ouvrage retient l’attention parce que la traduction y est thématisée pour elle-même en deux endroits. Cervantès, en jouant avec les codes du roman de chevalerie, pose le cadre général d’une réflexion théorique sur la traduction dont on cherchera ici à souligner les principales tensions constitutives. En intériorisant ses propres origines fictives et traductives, dans un intermède à cheval entre les chapitres viii et ix, le Quichotte évoque à la fois l’idée d’une traduction impossible, mais aussi celle de la traduction comme une modalité particulière de lecture où s’origine la littérature moderne comme quasi-monde (Ricœur) propice aux échanges textuels. Il s’agira finalement de montrer que, ce faisant, Cervantès fait signe à la fois vers le structuralisme et la tradition herméneutique, et leur articulation problématique.