Abstract
Alors qu'ils présentent tous deux, sous l'impulsion de la tentative comtienne, des histoires globales des sciences, Paul Tannery et Joseph Needham mettent en place des cadres historiographiques de fait distincts. Tannery fonde son histoire générale sur la notion de civilisation, dont la science est un élément intégrant. L'outil méthodologique qu'il utilise pour dégager les traits saillants qui caractérisent une civilisation donnée à une époque donnée sous l'aspect de la science est la synthèse. Needham part de la science moderne, et se donne pour objectif de mettre en évidence qu'elle fut constituée par un processus de synthèse des apports de différentes traditions. Pour lui, la formation de ce savoir moderne a procédé d'un effort continu qui a tour à tour été mené par les divers groupes composant l'humanité. Tannery, en revanche, est très préoccupé par les ruptures et les crises, qui peuvent être à l'origine de la disparition de pans entiers du savoir, mais aussi d'intenses périodes de création. Ce qu'il est convenu d'appeler« révolution scientifique » prend alors un sens très différent pour les deux historiens.