Abstract
Siger conçoit sa critique à l’encontre de la théorie thomasienne de l’intellect en s’appuyant sur les adages tels que « agere sequitur formam » et « potentia non potest esse simplicior aut immaterialior quam eius substantia ». Structurant son argumentation autour de ces deux principes, il tente de démontrer que la position de Thomas d’Aquin se réduit finalement à une position matérialiste ou, se révèle encore être philosophiquement intenable lorsque ce dernier soutientces deux thèses qui, pour Siger, sont contradictoires, à savoir que l’intellect est, d’une part, une des parties de l’âme humaine et d’autre part une puissance indépendante et séparée du corps. Or, Siger semble faire l’économie de l’une de ses arguments les plus puissants qui peut, a priori saper le fondement même de la théorie de l’intellect chez Thomas, à savoir le problème de se séparation du corps. Cependant, une analyse détaillée de la terminologie thomasienne nousrévèle la raison qui a poussé Siger à ne pas utiliser cette critique majeure ; en effet, il était conscient que cet argument qui semblait indiquer un possible incompatibilité entre l’intellect et le corps ne se réduisait en réalité qu’à un problème unsinnig. Cette retenue et cette maîtrise témoignent de de la perspicacité de Siger qui a su précisément demeurer à l’intérieur de la limite conceptuelle où il lui est possible de se présenter non pas comme un critique manqué deThomas d’Aquin, mais comme un véritable philosophe capable de mettre sa position en parallèl avec celle thomasienne concernant l’homme pensant ou « cet homme-ci qui pense ».