Abstract
Si Bentham s’oppose explicitement plus souvent à Hobbes qu’il ne lui donne raison, la dette qu’il contracte à son égard est beaucoup plus étendue qu’il ne le laisse paraître. Sans doute le primat des affaires civiles sur les affaires religieuses est incontestable chez les deux auteurs. Toutefois, si les ouvrages de Hobbes sont directement en prise sur la guerre civile qui sévit en Angleterre, l’œuvre de Bentham affronte un autre problème : est-il possible de rendre le christianisme compatible avec l’utilitarisme? Malgré ces différences importantes, l’articulation du religieux et du politique repose étonnamment, chez l’un comme chez l’autre, sur la théorie des fictions, entendue plutôt comme dépendante de l’imagination chez Hobbes, et du langage chez Bentham, mais dans les deux cas comme technique pour problématiser les inversions que permet la distinction de ce qui doit être pris tantôt comme entité réelle, tantôt comme entité fictive.