Abstract
Cet article s’interroge sur la nature de l’expressivité musicale à travers deux grandes questions. La première est celle de la capacité de la musique, qui n’est pas un être sensible, à exprimer des émotions. L’auteur défend l’idée que, lorsqu’ils sont appliqués à la musique, les termes émotionnels ne renvoient pas à des émotions éprouvées mais à des caractéristiques émotionnelles, manifestes dans les sons. Cette thèse comporte un volet linguistique : il existe un usage secondaire et légitime des termes émotionnels, qui ne décrit pas une émotion ressentie mais un comportement. Elle comporte également un volet psychologique : lorsque l’on fait l’expérience de la musique on lui reconna î t, en raison de son caractère dynamique, une grande similitude avec le comportement humain. L’auteur montre ainsi que la musique n’exprime pas véritablement des émotions, mais « porte » ou « présente » des caractéristiques émotionnelles. La seconde question est celle du rapport entre les émotions exprimées dans la musique et les émotions ordinaires, ressenties par les êtres sensibles. La question est envisagée à travers les réponses émotionnelles suscitées, chez l’auditeur, par l’expressivité de l’œuvre. L’auteur montre que, dans les cas non musicaux, certaines émotions sont contagieuses : face à une personne triste, j’éprouve une tristesse « réfléchie », qui se passe de justification. Or, il en va de même pour la musique : une œuvre triste aura tendance à me faire éprouver de la tristesse. Cette similitude entre les cas musicaux et les cas non-musicaux préserve le lien entre l’expressivité musicale et le monde des émotions vécues. À travers la théorie présentée dans cet article, l’auteur entend rendre compte de la valeur que nous accordons à la musique expressive : puisque l’expressivité musicale reflète l’expression des émotions humaines, elle peut nous donner une meilleure compréhension de nos sentiments.