Abstract
Thomas d’Aquin situe l’obéissance parmi les vertus annexes de la justice, comme étant contenue sous chacune des vertus dites de déférence (religion, piété filiale, respect), mais il en dégage aussi la spécificité : vertu des êtres doués de volonté et d’intelligence, donc de liberté, elle se distingue de toute soumission de contrainte, et c’est par un choix intelligent et libre que l’être obéissant est amené à renoncer à sa volonté propre. Toutefois, ce n’est pas ce renoncement qui fournit à Thomas le critère pour reconnaître l’obéissance authentique. Son seul critère de discernement est l’objet spécifique sur lequel porte l’obéissance, à savoir le précepte, émané d’une autorité légitime et que l’on vise à accomplir. Cette notion du précepte délimite strictement le domaine sur lequel une autorité exerce sa supériorité et, par là, protège l’obéissance du subordonné par un « droit » contre toute extension abusive de ce domaine de supériorité. Saint Thomas livre ainsi de précieux repères pour une juste conception et pratique de l’obéissance aussi bien qu’un rempart contre ses défigurations possibles. Il offre même une pensée de la résistance, qui n’est pas désobéissance mais jugement pratique orienté par les exigences de la charité, fin ultime de toute obéissance. La lecture ici proposée de la question 104 de la Secunda Secundae de la Somme de théologie, consacrée à la vertu d’obéissance, s’enrichit, en amont, des prolongements décisifs que Thomas en a donnés dans son traité de la vie religieuse, mais elle est aussi éclairée, en aval, par les fermes déterminations sur l’obéissance politique qu’il avait énoncées dans son traité des lois.