Abstract
Se demander si un système scolaire s’est démocratisé exige qu’on se mette au clair sur ce qu’on entend par « démocratie ». L’évolution du système scolaire français est une belle illustration des écueils auxquels on s’expose en cultivant l’ambiguïté sur cette ambition légitime de démocratisation. Contrairement à ce que laisse parfois entendre un discours à coloration nostalgique, ce système ne s’est véritablement ouvert à tous les élèves, du moins pour ce qui concerne les études longues, que de façon relativement récente : longtemps, sauf pour quelques exceptions, la naissance a décidé de façon explicite et assumée des destins scolaires, distribuant dès le début de la scolarité obligatoire les élèves entre deux filières relativement étanches. On en conclurait alors trop rapidement que l’unification du parcours scolaire obligatoire et la démocratisation de l’accès aux études longues ont contribué à mettre fin à cette ségrégation selon l’origine sociale. Les lignes qui suivent s’efforcent de montrer, sans nier certains de leurs effets positifs, comment ces politiques d’ouverture ont plutôt transformé la nature des inégalités devant l’École qu’elles ne les ont effacées et, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, ont imposé aux enseignants des contextes d’enseignement totalement nouveaux.