Abstract
En six occasions, Kierkegaard fut appelé à prendre la parole dans une église, mais n’ayant jamais été ordonné pasteur, il ne se considérait pas habilité à prêcher ni à intituler ses discours religieux prédications. Fidèle au culte dominical, sauf à la fin de sa vie, il portait une grande considération à la prédication et dans son œuvre protéiforme, on trouve de nombreuses réflexions sur la prédication en tant que catégorie, sur des prédications auxquelles il avait assisté et sur le rôle du prédicateur. Quant à la prédication, sa tâche n’est pas de défendre le christianisme, mais de mettre en avant son caractère paradoxal lié au Christ comme source de scandale et modèle de l’existence chrétienne. Or parler de la prédication est aussi parler des prédicateurs. D’après Kierkegaard, le problème n’est pas leur orthodoxie dogmatique, mais l’adéquation entre leur existence et ce qu’ils prêchent. Théoriquement, n’importe qui peut donner une description objective de l’essence du christianisme, mais comment se conformer à la parole qui appelle à suivre le Christ outragé et rejeté? Celle-ci n’exige pas que les prédicateurs se transforment en martyrs ou en modèles de sainteté, sans tache ni ride, mais qu’ils avouent l’écart abyssal entre la radicalité de cette parole et leurs occupations ordinaires en tant que pères de famille, citoyens estimés, fonctionnaires de l’État. L’évêque Mynster, à la fois admiré et vitupéré, fut la figure emblématique de quelqu’un qui a annoncé un vrai christianisme, mais qui ne l’a pas vécu. Il lui a manqué ce que Kierkegaard appelle la réduplication. L’article se termine par une présentation des deux prédications que Kierkegaard prononça afin de passer l’épreuve homilétique en vue d’une éventuelle ordination pastorale.