Abstract
Le problème public de l’exclusion du logement est régulé depuis les années 1980 par une action publique d’urgence : l’urgence sociale. Un de ces dispositifs centraux, l’hébergement, fonctionnait avant 2007 sur une temporalité spécifique : l’aide ponctuelle, qui fragmente l’habitat des plus précaires et qui fragilise leur rapport à l’avenir. C’est en ce sens que l’urgence sociale peut être conceptualisée comme une chronopolitique. En raison des conséquences épuisantes qu’elle a sur ses « bénéficiaires », cette chronopolitique a fait l’objet d’une mobilisation revendiquant un droit à la continuité de l’habitat. Une écologie temporelle, prenant la forme d’une durée de séjour adaptée aux besoins singuliers des hébergés, est inscrite dans le droit par la loi Dalo. Mais ce droit est encore ineffectif, et les raisons s’en retrouvent aux différents niveaux de l’action publique : les gestionnaires de places se voient souvent contraints de partager temporellement le bien rare en donnant sa chance à tout le monde ; la rareté des places d’hébergement est entretenue par l’État central qui cherche ainsi à limiter l’appel d’air des précaires ; les travailleurs sociaux ressentent un désarroi face aux manières d’habiter inconditionnellement un hébergement à durée indéterminée. La possibilité d’habiter durablement dans un lieu garanti par des institutions et en dehors du marché du logement souffre d’une faible légitimité