Abstract
La destinée de la communauté des gens de Mologa, petite ville provinciale de Russie centrale, a été marquée par un double événement majeur, son déplacement forcé et l'engloutissement de son territoire d'origine en 1941 lors de la mise en service du barrage de Rybinsk. L'ancrage territorial des habitants de Mologa, symboliquement fondateur de l'identité collective de la communauté, intègre la mobilité et compose désormais avec elle. Le déplacement forcé est ainsi incorporé à une culture de la circulation qui se fonde sur une inscription spatiale première des identités familiales et collectives, mais qui trouve sa dynamique dans un principe de retour toujours possible. Dans le cas de la communauté de Mologa, emblématique à plus d'un titre du brassage soviétique des populations, le lien entre des identités (personnelles, familiales, collectives) et un territoire nous semble ainsi construit de telle façon que le déplacement ne vient pas mettre ce lien en péril mais plutôt le fonder ou l'activer en stimulant une relation vivante à l'espace. Ce jeu dialectique entre l'éloignement et le retour contribue à nourrir de façon ultime l'identité communautaire dans la mobilité, et à assurer sa pérennité.