Abstract
La question qu’on nomme aujourd’hui des « genres naturels » en métaphysique porte sur les « jointures » du monde : quelles classes de choses constituent le monde et existent réellement? Si nominalistes et réalistes s’opposent depuis longtemps sur la possibilité même de répondre à cette question, les sciences modernes proposent des découpages en genres naturels qui contrastent souvent avec l’image naturelle du monde. Cet article se concentre sur les genres naturels en biologie. Après avoir présenté le principe de réponse offert par la biologie évolutive, à savoir la systématique cladistique, j’expose le paradoxe du poisson, puisque « poisson » n’y est pas un nom de classe objectif, et semble donc aussi peu réel que « légume ». Je montre ensuite comment ce paradoxe est abordé différemment par des conceptions réalistes ou pragmatistes des genres naturels, et, en distinguant plusieurs sortes de pragmatismes en fonction des pratiques sociales auxquelles ils réfèrent la vérité des énoncés, je défendrai un pragmatisme modéré quant aux genres naturels en biologie.