Dialogue 23 (3):379-396 (
1984)
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Abstract
Dans la perspective historique que se donne l'oeuvre de Sartre à partir de la guerre et qu'il articule théoriquement dans la Critique de la raison dialectique, il s'agit de se détourner de l'impossible quête de l'être que définissait L'être et le néant. Par l'engagement social et la lutte politique, il vise désormais un monde où l'éthique n'est plus bloquée dans la mauvaise foi, mais sera « la praxis dans son libre développement comme seule relation éthique de l'homme à l'homme en tant qu'ils dominent ensemble la matière ». Toutefois, si l'on interroge le sens et la possibilité de ce « règne humain » qui structure l'ouvrage, ce qui est en jeu c'est l'ambiguïté de toute la démarche morale de Sartre à partir de son ontologies Là, en effet, le « manque » qui définit le pour-soi aboutit à faire de tout projet un échec puisqu'il n'a de sens que par rapport à une totalité manquée: le projet d'être Dieu. Dans le cadre de cette visée d'absolu, le problème moral est finalement celui de la « conscience malheureuse ». Mais tout l'effort de Sartre à partir de la guerre est de montrer que le « manque » n'est pas nécessairement l'échec. La réalité humaine étant une question pour elle-même, ce manque peut aussi être l'occasion d'une action effective avec les autres si l'on ne se paralyse pas sur cet horizon d'absolu. La liberté peut être la quête d'une totalité non plus métaphysique mais humaine et concrète à travers la praxis de chacun.