Abstract
En abordant l'anthropologie structurale de M. Lévi-Strauss par une analyse du concept du Don, on comprend qu'il explique le fonctionnement d'une société à l'aide de ce concept : la société elle-même est un échange continuel de dons ; à savoir de mots, de biens, et de femmes. C'est en premier lieu le problème de l'inceste qui s'explique de cette façon ; la défense de se marier avec certains membres de la famille est en même temps l'obligation de donner ces parents à autrui. En ce sens la prohibition de l'inceste est la première Règle de la culture : être une nature médiatisée. Le mécanisme des systèmes de parenté qui dans chaque société organise l'échange des femmes a été élaboré, comme le mécanisme du langage, par l'esprit à l'état inconscient.C'est vers cette pensée inconsciente et structurante que se tournent les études de M.Lévi-Strauss. Il se met à analyser ‘la pensée sauvage’, notamment cette façon de penser qu'on a l'habitude de qualifier de ‘totémique’. Il semble que cette pensée sauvage ne soit point pré-logique, mais se serve plutôt d'une logique concrète qui ne se fonde pas sur des concepts mais plutôt sur les qualités sensibles des choses concrètes. Grâce à cette ' logique du concret' l'homme réussit à se distinguer de la nature en appliquant les distinctions objectives de la nature à sa culture. Le totémisme n'est donc qu'un cas particulier d'une stratégie générale : l'assimilation réciproque de l'homme à son milieu naturel. Ainsi le problème central de l'anthropologie s'avère être le passage de la nature à la culture. C'est dans la structure inconsciente de l'esprit qu'il faut chercher le secret de la culture -qui est en même temps celui de la nature humaine. L'anthropologie elle aussi essaie de savoir ‘comment fonctionne l'esprit humain’. Au fond l'anthropologie de M. Lévi-Strauss nous fait penser à un kantisme élargi - enrichi de catégories puisées dans une expérience ethnographique plus étendue que celle dont a disposée Kant -, mais c'est un kantisme sans sujet transcendental, parce que cette structure de l'esprit n'appartient pas à l'esprit mais plutôt à la nature. Pour prouver que même là où l'esprit semble s'abandonner à son imagination, il est quand même déterminé par sa structure, M. Lévi-Strauss procède à l'étude détaillée des mythes indiens. Un mythe n'est pas un message kérygmatique, c'est un message cybernétique, comme l'est d'ailleurs toute la culture. La culture est la totalité des messages cybernétiques ; c'est l'ensemble des significations que les hommes échangent, des significations qui constituent une reprise synthétique du message caché de la nature