Abstract
Dans Clidophorus, John Toland pose le problème de la relation entre philosophie ésotérique et philosophie exotérique : alors que la première nommée est la seule philosophie vraie, la seconde en est la traduction à l'usage du grand nombre. Il est en effet doublement nécessaire pour les philosophes de traduire la philosophie ésotérique en langage exotérique : il s’agit, d’une part, de se protéger, dans la mesure où la véritable philosophie contient un enseignement matérialiste radicalement incompatible avec les préjugés du vulgaire et des religions établies; et il s’agit, d’autre part, de donner à deviner la vérité sous des voiles suffisamment transparents pour que s’éveille la curiosité de disciples potentiels. La difficulté de l’entreprise tient donc à ce que la philosophie exotérique doit simultanément, et contradictoirement, permettre aux intelligences les plus fines d’acquérir un pressentiment de la vérité, sans mettre pour autant en cause les superstitions communément reçues. À cette aune, Toland juge que les fables des Anciens, forme antique de la philosophie exotérique, échouent dans la mesure où elles ne font qu’encourager la superstition; il suggère par contre implicitement que les métaphores dont Spinoza fait usage dans le Traité théologico-politique fournissent le modèle d’une philosophie exotérique qui traduise sans la trahir la philosophie ésotérique.