Abstract
Au début du XXe siècle, l’Allemagne voit émerger un lieu de savoir nouveau, étrange, alternatif sinon hostile à l’Université, le « George-Kreis », association créatrice et intellectuelle rassemblée autour du poète Stefan George (1868‑1933). Dès la fin des années 1900, Platon apparaît comme le modèle politique et éducatif du Cercle et, partant, du vaste « mouvement spirituel » dont George est considéré comme le guide. Entre 1910 et 1933, les « georgéens » consacrent à Platon une demi-douzaine de livres, de nombreux articles, comptes-rendus et traductions (dont certains font encore aujourd’hui l’objet de rééditions). L’article commence par retracer l’évolution de la « platonolâtrie » georgéenne (en s’appuyant, entre autres, sur des matériaux d’archive), puis en décèle les principes herméneutiques. Ceux-ci, forgés surtout contre les lectures de P. Natorp et U. von Wilamowitz-Moellendorff, revendiquaient une interprétation volontairement anachronique sans craindre une « fusion des horizons » auto‑justificative : c’est parce qu’ils fréquentaient S. George, l’héritier le plus fidèle et intempestif de l’esprit platonicien, que les georgéens se croyaient plus aptes que les philologues académiques à rendre cet esprit dans leurs travaux. En conclusion, l’article analyse l’impact du Cercle sur les acteurs contemporains et postérieurs des études platoniciennes universitaires.