Abstract
Le rapport de l'œuvre de Paul Ricœur à la modernité ne va pas de soi. Imprégnée profondément par le testament judéo-chrétien, méfiante à l'égard des ruptures brutales, soucieuse d'incarner le cogito dans l'existence, sa philosophie pourrait aisément s'inscrire dans une tendance néo-traditionaliste. Cette dimension anti-moderne se renforce en raison de la place majeure que la pensée de Ricœur accorde aux mouvances post-modernes, qu'elles soient d'inspiration vitaliste, structuraliste ou post-structuraliste. Pourtant, jamais le philosophe n'a abandonné ni le projet émancipateur, ni la conquête réflexive du cogito portés par la modernité. La dialectique subtile et originale dans son œuvre de ces trois paradigmes philosophiques se traduit donc sous la forme d'un modernisme paradoxal qui se comprend mieux lorsqu'on le replace dans le cadre d'un réformisme moral et politique, à l'opposé aussi bien d'un éloge de la tradition que des emportements révolutionnaires.