Abstract
Mary Wollstonecraft (1759-1797) et Elizabeth Simcoe (1762-1850) ont écrit des récits de voyage, récits influencés par la théorie du pittoresque, en particulier telle qu’elle a été formulée par William Gilpin. Wollstonecraft a publié ses Lettres écrites pendant une courte résidence en Suède, en Norvège et au Danemark en 1796 ; Simcoe, une artiste douée, a tenu un journal écrit et visuel de son séjour dans le Bas et le Haut-Canada entre 1791 et 1796, alors qu’elle était l’épouse du premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe (1752-1806). Wollstonecraft et Simcoe ont emmené avec eux de jeunes enfants – Wollstonecraft, sa fille Frances (née 14 mai 1794), Simcoe, sa fille Sophia (née 25 octobre 1789) et son fils Francis (né 6 juin 1791). Le programme esthétique de Gilpin favorise la dissymétrie, la variation et le marginal ; Wollstonecraft et Simcoe, qui différaient d’opinions politiques, adaptent la pratique de Gilpin et inventent des modalités de la sensibilité pittoresque propres à leur rôle de mère. Dans la représentation de la vie de tous les jours, on s’attend à ce que les enfants soient présents ; le fait de les situer dans les régions sauvages et aux frontières modifie leur rôle – et celui de leur mère. Le récit par Wollstonecraft d’une visite aux chutes de Sarp en Norvège et les visions de Simcoe de Niagara (et de la rivière Don) révèlent respectivement la sensibilité d’apocalypse de Wollstonecraft et la sensibilité progressiste de Simcoe. Wollstonecraft projette la présence de sa fille Frances dans le paysage scandinave, s’inspirant de la féérie de Shakespeare pour introduire des dimensions surnaturelles dans un récit empirique. Simcoe présente son fils Francis comme un médiateur entre l’empire britannique auquel elle croit et les peuples autochtones qu’elle reconnaît comme essentiels à la défense, à la consolidation et à l’avenir de la province que son époux dirige.