Abstract
Étroitement liée au pontificat de Jean XXIII et à l’ouverture conciliaire de Vatican II, la réalisation de L’Évangile selon Matthieu inaugure une période de conciliation au sein de la filmographie de Pier Paolo Pasolini [Joubert-Laurencin 1995, p. 397]. La carrière du cinéaste était en effet fortement compromise depuis l’« outrage à religion d’État » provoqué par la réalisation de La ricotta. Le rapprochement de Pasolini avec la Pro Civitate Christiana fut déterminant, puisque cette organisation jésuite se porta garante auprès des banques pour assurer les capitaux nécessaires au financement de ce film. En mettant en tension l’analyse filmique avec leur contexte de production et de réception dans le champ catholique, nous examinerons la façon dont Pasolini a donné une inflexion marxiste au récit évangélique dans le but de restituer le drame chrétien aux paysans de l’Italie méridionale. À travers les oppositions de classes qu’il forge dans son film, un enjeu révolutionnaire reposerait stratégiquement sur le sous-prolétariat méridional, idéalement soutenu par une Église de la pauvreté et le parti communiste italien.