Abstract
Selon la philosophe américaine Lydia Goehr, l’idéal romantique de « l’œuvre d’art totale » ( Gesamtkunstwerk ) fraye la voie d’un « formalisme transcendentalement élargi » ( transcendentally enhanced formalism ) capable de procurer « un usage contemporain renouvelé et acceptable » aux termes des premières revendications formalistes d’autonomie. Nous soutenons que le type de formalisme défendu par Goehr est incapable de rendre compte du sens inédit dans lequel la musique moderniste atteint à l’autonomie. Elle n’y atteint, ni en demeurant confinée à l’intérieur des limites de son médium (comme le voudrait un formalisme étriqué), ni en faisant signe vers l’extramusical gisant au-delà de ces limites (comme le voudrait le formalisme élargi), mais en dissolvant l’apparence même selon laquelle ses ressources expressives seraient limitées a priori. L’autonomie revendiquée par le modernisme passe par une émancipation de la composition à l’égard de toute norme préexistante.