Cités 94 (2):141-148 (
2023)
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Abstract
Le Japon est le premier producteur de jeux vidéo à l’eau de rose. Appelés « jeux pour jeunes filles » ( otome gēmu ), ils proposent des gammes de « beaux gosses » formatés sur le modèle du prédateur, entraînant l’héroïne dans une histoire d’amour proche du rapt. Les scénarios reposent sur la mise en scène d’une perte de pouvoir, où la joueuse renonce à son libre arbitre. Les personnages les plus agressifs sont « irrésistibles », expliquent les fans qui désirent être « prises au piège ». En étudiant ces jeux et les tensions qu’ils révèlent, j’espère éclairer les dynamiques sociales dont ils reproduisent, et déconstruisent, les logiques. Ils sont indissociables du contexte qui les a vu naître : celui d’une baisse record du nombre de mariages et de naissances, pour lesquelles les autorités désignent comme coupables les « personnes qui vivent seules » ( o-hitori-sama ). Pourquoi préfèrent-elles des partenaires fictifs aux hommes de chair et d’os? J’y vois l’expression d’une ambivalence à l’égard du mariage, désiré mais redouté.