Abstract
La philosophie contemporaine a vu se développer les études consacrées au son et à l’audition. Il est devenu courant de rejeter la thèse héritée de Locke selon laquelle le son serait à ranger parmi les qualités secondes, et de le considérer plutôt comme un événement. Cependant, cette proposition soulève des questions : il faut en effet déterminer de quel type d’événement il s’agit, et de quelle manière il occupe l’espace. Différentes conceptions s’affrontent à ce propos : certaines théories font du son un « pur événement », dont aucun objet physique ne serait le sujet, tandis que d’autres l’identifient à une perturbation physique. Parmi ces dernières, on distingue celles qui l’assimilent à la vibration du corps résonnant, de celles qui le considèrent comme une perturbation de l’air environnant. Sans prétendre trancher tous ces débats, le présent article examine ici certaines des difficultés que soulève une théorie particulièrement aboutie, celle de Roberto Casati et Jérôme Dokic. Il s’agit principalement de mettre à l’épreuve leur affirmation selon laquelle leur théorie se montre fidèle au contenu de l’expérience auditive quand elle assimile le son à la vibration du corps sonore, et qu’elle en fait donc un événement physique précisément localisé. La thèse soutenue est que si cette théorie répond de façon satisfaisante à bien des objections, en revanche elle ne prend pas la mesure du problème que constitue pour elle la réverbération du son. Casati et Dokic croient le résoudre grâce à leur analyse de l’écho, mais une description plus précise montre que la réverbération est difficilement conciliable avec leur théorie de la localisation du son. Cependant cet argument ne constitue pas à lui seul une objection décisive : il montre simplement que la réverbération exige une analyse spécifique, non réductible à celle de l’écho.