Abstract
Le premier volume d'inédits de Levinas comprend un hommage à Bergson rédigé en 1946. Levinas voit en Bergson celui qui s'est opposé au temps de la science et des machines au nom du temps vécu ; ceci a rendu possible la conception heideggérienne du temps comme être. Levinas souscrit à la grande découverte de Bergson. Il souligne l'intérêt de la critique bergsonienne du néant comme être biffé, mais rejette la critique du désordre qui ne serait qu'un ordre différent ; pour lui, le désordre est le chaos préalable à tout ordre. Surtout, il voit dans la durée un temps fondamental, une diachronie première, qui rend possibles les trois dimensions du temps. Et il note que la durée est une vie que la mort ne limite pas ; le temps n'est pas la marque de notre finitude. Pour Bergson, seule la matière meurt, par manque d'énergie. Bien qu'il n'ait pas suivi la méthode bergsonienne, Levinas reconnaît la supériorité de l'analyse de la durée et la prolonge dans le sens d'un immémorial subjectif. The first volume of Levinas' unpublished texts includes a tribute paid to Bergson in 1946. Levinas considers Bergson as the philosopher who opposed the time of science and machines in the name of time experienced, and this in turn paved the way to Heidegger's concept of time as being. Levinas subscribes to that major insight of Bergson. He underlines the interest of Bergson's criticism of nothingness as « being scratched out », but rejects his criticism of disorder as but a different kind of order. For Levinas, disorder is the chaos preliminary to any kind of order. Above all, he sees in duration a fundamental time, a primary diachrony which makes possible the three dimensions of time. He remarks that duration is life not limited by death: time is not the mark of our finitude. For Bergson, matter alone dies, for lack of energy. While he does not follow Bergson's method, Levinas acknowledges the superiority of his analysis of duration and takes it further in the direction of immemorial subjectivity