La présence du terme d’histoire, chez Kant, dans deux groupes de textes très différents (des textes cosmologiques et des textes portant sur l’histoire humaine), pose un double problème. Peut-on donner à l’expression « histoire de la nature » un sens strict? Le terme d’histoire revêt-il le même sens lorsqu’il est appliqué à la nature et lorsqu’il est appliqué à l’humanité? Nous soutenons qu’une réponse positive doit être apportée à ces deux questions et suggérons de quelle façon les textes kantiens sur (...) l’histoire peuvent être reconsidérés à partir de la question de l’histoire de la nature et dans la perspective de la transformation du concept d’histoire, permettant notamment de clarifier ce qui relève de questions théoriques et ce qui relève de questions pratiques. (shrink)

Schürmann a conçu son projet philosophique comme un sauvetage des phénomènes. Car ceux-ci sont menacés à la fois par les principes logiques qui les déterminent et par leur propre précarité ontologique. Toutefois le principe n’a-t-il pas en lui-même un pouvoir phénoménalisant? Le phénomène lui-même en sa singularité n’est-il pas si intimement marqué par la négativité qu’il peine à apparaître? On propose donc d’interroger le diasozein ta phainomena de Schürmann en sauvant le sauvetage lui-même du risque d’une dissolution des phénomènes par (...) eux-mêmes et sous les principes. (shrink)

Les ordres polycentriques, en particulier des organisations fédérales, octroient une autonomie importante aux différentes juridictions. Plusieurs arguments sont généralement avancés pour défendre leur supériorité sur leurs alternatives monocentriques : un argument épistémique relatif à l’utilisation de la connaissance dispersée dans les sociétés complexes, un argument politique soulignant l’émancipation vis-à-vis d’un pouvoir souverain unifié, un argument démocratique mettant en avant la possibilité d’un auto-gouvernement local accru. Ces arguments fondamentaux rencontrent des limites importantes. Je propose un argument supplémentaire : les ordres polycentriques (...) fédéralistes peuvent être antifragiles, et se renforcer par le biais des expérimentations multiples par diverses juridictions. Cet ordre socio-politique autorise une diversité de réalisations institutionnelles d’idéaux socio-politiques. (shrink)

Pourquoi Gilles Deleuze s’est-il tant intéressé à l’éternel retour nietzschéen, dans son aspect cosmologique et physique et dans son aspect éthique et sélectif? Et pourquoi, lorsqu’il s’y intéresse, ne cesse-t-il de le comparer à la conception antique de l’éternel retour, et notamment à la conception platonicienne de la Grande Année? Nous montrons d’une part en quel sens Platon avait pour Deleuze ouvert la voie au renversement du platonisme exigé par Nietzsche, et d’autre part toute l’importance de ce renversement quant au (...) problème de l’éternel retour : s’y joue en effet notre salut, qui constitue peut-être l’horizon ultime de la philosophie deleuzienne, voire de toute philosophie. (shrink)

Les textes qui rendent ici hommage à Michel Serres (1930-2019) privilégient une singularité et un itinéraire vivants de pensée et d’écriture plus qu’une analyse conceptuelle ou théorique d’aspects de son œuvre.

Michel Serres a su détecter en l’homme un incoercible besoin de récit pour exister : ces contes, ces mythes, ces histoires qui peuplent et nourrissent l’imaginaire, stimulent la raison, et apaisent les tensions. Conteur, écrivain, il a su combiner en lui la double dimension du « styliste et du grammairien ». Tous ses ouvrages l’attestent. Platon reste la toile de fond d’un type d’écriture où se mêlent, dans l’harmonie, le récit et la démonstration. Philosophe des reliures, non des coupures, Michel (...) Serres a mis au jour la vertu du récit, petit ou grand, d’unir ce qui, sans lui, demeurerait sans consistance, épars, ou, sans doute, muet. (shrink)

Michel Serres est surtout connu comme philosophe de la communication. Toutefois la question du temps traverse toute son œuvre, depuis les premiers Hermès jusqu’au dernier livre. Sans recenser toutes les réflexions de Serres sur le temps, cet article montre qu’il tient une place centrale dans son anthropologie car il en fait la clé des relations entre les humains et le monde. Comment articuler notre histoire avec l’évolution de la vie, de l’univers?

Serres, par le chemin des écoliers, au hasard des rencontres, jusqu’à ce que la convergence des occurrences finisse par tracer un parcours. Ni plus habile, ni plus chanceux qu’un autre, seulement plus disponible à l’opportunité et toujours prompt à s’étonner. Le don de l’amitié, c’est de nous faire vivre au risque de l’autre pour nous conduire au sentiment d’être nous-même si inventif que le miracle semble au coin de la rue. Telle fut notre philosophie buissonnière toujours en alerte et toujours (...) exposée à la découverte. (shrink)

Cette lecture du livre de Gregory Cormann, Sartre. Une anthropologie politique. 1920-1980, est centrée sur la relation de Sartre avec Lucien Lévy-Bruhl sur le thème des émotions, développée dans son dernier chapitre. Cela conduit aussi à suggérer, sous ce rapport, un lien entre Günther Anders Stern e Sartre.

Quelle est la légitimité de l’accusation de constructivisme adressée par Jacobi à la « Doctrine de la Science » de Fichte? Il apparaît que Jacobi commet une double erreur, méthodologique et matérielle : d’une part il n’a pas suffisamment réfléchi sur le statut de sa propre démarche, d’autre part il gomme complètement l’assise pratique du système fichtéen, enracinée dans le sentiment ( Gefühl ).

La publication des Cahiers de formation, journal tenu par Michel Serres de 1960 à 1974, permet de saisir la genèse de sa pensée, mais aussi de rapporter celle-ci au récit qu’il donne de sa propre biographie. L’hypothèse ici proposée est qu’à partir de sa vocation pour les mathématiques, vécue comme un « retrait du monde », il travaille ensuite à élaborer une pensée qui restitue toute sa place au monde des objets : en même temps que le sujet s’abolit, il (...) apparaît que la communication se joue à même les choses. Pour fonder cette lecture, on donne à lire des extraits assez abondants des Cahiers de formation. (shrink)

Texte inédit de 2005 extrait d’un projet de livre « Le blanc ».