Cités 25 (1):181-185 (
2006)
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Abstract
Le passé de l’Occident reste marqué par une tache indélébile, celle de l’horreur de l’esclavage colonial. Il est certes aujourd’hui avéré que la traite atlantique ne fut que l’une des traites négrières, à côté de la traite arabe au travers du Sahara et le long des côtes de l’océan Indien, qui s’étale sur une plus longue durée, et des traites africaines internes au continent... Mais en elle s’exprime un scandale spécifique, celui de la contradiction entre une pratique et des idéaux proclamés, qui furent d’abord ceux d’une religion à vocation universaliste prônant l’amour du prochain, puis ceux issus des Lumières, dont l’application fut loin d’être immédiate. En outre, concentrée sur une période de temps plus brève – en gros trois siècles et demi, du début du XVIe au milieu du XIXe siècle –, la traite atlantique a alimenté en force de travail servile non pas des sociétés à esclaves, comme le furent les sociétés arabo-musulmanes, mais des sociétés esclavagistes, dont le caractère totalitaire résultait d’un mode de production tout entier fondé sur l’utilisation d’une main-d’œuvre dégradable autant que l’exigeaient les contraintes des cultures de plantation, vouées à la satisfaction de marchés extérieurs , et donc sur une marchandisation et une réification de l’homme sans précédent. Ce qui en fait un phénomène éminemment moderne, en contrariété avec les usages antiques ou non occidentaux, caractérisé par une racialisation de l’oppression, avec la mise en place d’un préjugé de couleur qui servit de légitimation commode, sous le couvert de la nature, à une forme d’exploitation qui aurait pu paraître condamnable en fonction des valeurs religieuses et politiques officiellement affichées