Diogène n° 267-267 (3-4):289-308 (
2021)
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Abstract
Dans le contexte du régime autoritaire soviétique des années Brejnev, on ne saurait retrouver des mobilisations féministes ou de patientes autour de la gynécologie similaires à celles qui ont pu se déployer à l’Ouest. Néanmoins, des dissidentes féministes se sont emparées de ce sujet dans des publications clandestines du début des années 1980 (les samizdats), restées très confidentielles en URSS. Ensuite, pendant la perestroïka, un abondant courrier de lectrices publié dans le magazine féminin grand public Rabotnitsa a véhiculé des témoignages et des revendications extrêmement similaires à ceux des dissidentes féminines. L’article mobilise ces deux corpus. Les militantes et les lectrices ont notamment dénoncé le manque de contraceptifs menant à des avortements à répétition, l’absence d’anesthésie lors des avortements et des accouchements, l’indifférence et la « cruauté » d’un personnel soignant débordé, travaillant « à la chaîne ». Certaines ont même parlé de « tortures » gynécologiques. Ces critiques ordinaires et féministes ont porté, plus largement, sur le manque de moyens du système de santé. Après avoir examiné les politiques publiques soviétiques en matière de santé sexuelle et reproductive, l’article analyse les processus par lesquels des frustrations largement partagées par les patientes en gynécologie ont pu être mises en discours et politisées. Une mise en perspective sur la base de comparaisons internationales permet également d’interroger les impensés de ces discours critiques.