Abstract
Penser la guerre, c'est se placer dans l'effort philosophique qui se conçoit comme élucidation et affirmation rationnelles des différentes manières dont l'option humaine pour la raison et contre la violence se réalise dans l'histoire. Cette thèse fournit le point de vue à partir duquel l'auteur épouse la pensée de Kant, von Clausewitz et Hegel, en essayant ensuite d'en tirer des leçons possibles en vue des discussions actuelles dans la philosophie politique en tant que réflexion sur la guerre et la paix. Von Clausewitz, penseur de la guerre après la « révolution » militaire depuis Napoléon, n'est pas seulement le « militariste » s'appliquant à la rationalité qui se déploie dans la violence guerrière elle-même, mais a surtout montré comment la guerre doit emprunter sa rationalité spécifique à la rationalité supérieure et englobante qui est celle de la politique , selon sa célèbre formule: la guerre est la continuation de la politique avec d'autres moyens. Mais il s'agit de bien comprenre cette formule. Dans la philosophie politique hégélienne, qui veut «saisir en pensée» le système d'une pluralité d'États indépendants et également souverains, la guerre a le caractère d'une «nécessité» rationnelle. Dans la philosophie du droit de Kant, la paix stable est l'objet d'un devoir impératif de la pure raison pratique, mais la guerre semble, de fait, inévitable, et ceci encore pour longtemps. C'est dans son projet philosophique intitulé Vers la paix perpétuelle que Kant essaie de penser les conditions politiques nécessaires pour établir une paix durable et juste entre les nations. L'auteur montre que ce projet est moins irréaliste qu'on ne le pense le plus souvent, si on veut l'interpréter à la lumière de la philosophie de l'histoire de Kant. On peut se demander néanmoins si Hegel ne continue pas à avoir raison contre Kant. Mais pour Hegel aussi l'histoire est un apprentissage. Au philosophe qui la comprend elle prouve, dit-il, la perfectibilité de l'éducation du genre humain. Il est possible de trouver, de ce point de vue, une convergence de la philosophie de l'histoire de Hegel avec celle de Kant. Une importance spécifique est donnée ici à l'interprétation du dictum de Hegel, que dans la guerre elle-même la guerre est déterminée comme devant être passagère . S'il est vrai que l'histoire de la dialectique de guerre et de paix peut nous rendre plus „sages”, qu'est-ce qu'elle nous a appris ? L'auteur souligne plus spécialement deux éléments: nous comprenons peut-être mieux la signification de la liberté et de ce qu'implique „libération”; nous voyons plus clairement l'importance à donner aux droits de l'homme comme expression de la justice. Il conclut que la philosophie comme „pensée de guerre” peut éclairer la politique dans son effort tendant à définir la justice qui peut établir la paix, afin de rendre superflue la guerre qui doit établir la justice