Abstract
Dans les premiers chants de l’ Enfer, Dante déclare entre les lignes la tâche à laquelle il se sent appelé en tant que « poète chrétien » : d’un côté, il est invité à argumenter avec la rigueur du discours scientifique les vérités fondamentales de la religion ; de l’autre côté, il lui est confié la charge d’entraîner le lecteur dans une lecture anagogique de ces vérités en recourant aux fascinations allégoriques de la poésie. En accomplissant cette mission, Dante obtiendra, pour lui-même et pour les autres êtres humains, cette perfection anthropologique naturelle qui culmine, après la mort terrestre, par le retour aux conditions métaphysiques qui se seraient actualisées en la personne d’Adam s’il n’avait pas péché. Cette conception est déjà opérante dans certaines pages de la Vie nouvelle et du Banquet, mais c’est surtout dans La Divine Comédie que Dante en revient spontanément à ce genre de techniques sur un mode original et particulièrement efficace. On en a un exemple éclairant quand, au Chant III de l’ Enfer, la poésie décrit le tourbillon, apparemment disharmonieux et dépourvu de sens, des sons qui émergent de la cavité infernale, en se basant non seulement sur l’application évidente d’au moins deux artifices rhétoriques déterminés, mais surtout sur l’évocation formellement rigoureuse des règles de la dialectique (selon la terminologie en usage dans les écoles) : le succès de cette opération dépend de la capacité, de la part du lecteur, de retrouver la signification authentique de la terminologie scientifique mise en œuvre en poésie, utilisée pour illustrer les vérités de la foi et la nouvelle beauté de la synthèse entre art poétique et disciplines du Trivium.