Abstract
Depuis ses premiers travaux pour élaborer une phénoménologie de la volonté jusqu’à son tout dernier écrit inachevé sur la mort, Paul Ricoeur a médité sur le problème du mal. Or, à l’intime de sa vie, une épreuve terrible l’a frappé, celle du suicide de l’un de ses fils. L’article tente d’évaluer en quoi la pensée de Ricoeur sur le mal s’est modifiée et approfondie à la suite de ce malheur. Il repère plusieurs déplacements. Héritier de Jean Nabert, Ricoeur dépasse la catégorie de l’injustifiable vers celle de l’intolérable. Ami critique d’Emmanuel Lévinas, il affirme la nécessité de ne pas déposséder le sujet atteint par l’inintégrable du mal, de son initiative et de sa capacité d’attestation de soi. Enfin, admirateur de Kant et lecteur des psaumes, il retrouve au fondement ultime de toute nécessaire estime de soi, l’idée-limite d’une bonté radicale du créé et la catégorie d’une espérance «en dépit de» face à l’inscrutable