Abstract
Il y a une seconde économie de Keynes, comme il y a une seconde philosophie de Wittgenstein : l'une et l'autre ont été élaborées sur le même campus, dans la même période (1930-1936), avec un même tournant décisif en 1933, par un économiste et un philosophe qui ont eu de nombreuses et importantes discussions. Tous deux entendaient lutter contre de puissantes orthodoxies, dans lesquelles s'inscrivaient leurs premières æuvres, pour faire émerger une nouvelle figure de l'économie comme de la philosophie, enfin lucides sur leur inscription dans le « jeu de langage » de leur communauté académique. L'hypothèse d'une certaine interdépendance entre ces deux découvertes gagne fortement en plausibilité quand on prête attention, dans la rédaction de la Théorie générale, à l'apologie keynésienne du « sens commun » et du « langage ordinaire », face aux dangers des langages formels, qui menacent le discours savant sur l'économie.