Abstract
L’ambiguïté qui existe entre l’interprétation du principe de différence par le maximin ou par le leximin est reconsidérée. Le maximin satisfait seulement le principe de Pareto-faible (x>y ssi chaque composante de x > la composante correspondante de y), tandis que le leximin satisfait le principe de Pareto-fort. À la différence du maximin, le leximin n’est pas représentable par des courbes d’indifférence. Dans la position originelle, le choix leximin l’emporterait sur le choix maximin ((2, 4) > (2,3)), qui semble plus proche des formulations de Rawls. Plusieurs solutions de l’ambiguïté sont évoquées, notamment celle que propose Alain Boyer, qui consiste à distinguer le maximin et le principe de différence en précisant que le second est le premier couplé à une règle tierce, la minimisation de l’inégalité. Cette solution, qui s’appuie par ailleurs sur un raisonnement suspect de Rawls sur la possibilité de trouver un troisième vecteur en enlevant n au plus riche, ce qui semble présupposer, comme le fait Boyer, que l’existence du fisc redistributeur est reconnue comme une possibilité dans la position originelle, est jugée insuffisante, en ce qu’elle ne vaut que pour le cas de deux individus (même si Rawls parle de deux classes). On suggère d’utiliser, pour les cas où le nombre des individus ou des classes est >2, un critère tel que la variance. Mais cela s’avère toujours insuffisant, et non justifiable dans la position originelle, et l’on fait appel à la théorie de la décision proposée par Gilboa et Schmeidler (1989 ; 1997) pour suggérer, par exemple, que le choix juste à faire entre (1, 2, 3) et (0, 3, 3) se porte sur le second état (où le plus pauvre a moins que dans l’autre cas). Cette règle demeure cependant plus proche du maximin (généralisé) que du leximin, peut être rapprochée de ce que l’on appelle le prioritarisme, et peut donc conserver une coloration appréciablement rawlsienne.