Abstract
On n’aperçoit pas assez aujourd’hui l’influence qu’eut la philosophie de Herder sur l’idéalisme allemand. La philosophie hégélienne de l’histoire, par exemple, est indéniablement tributaire de l’historicisme herdérien, alors même que Hegel se réfère fort rarement et de façon presque exclusivement critique à Herder. Certes, on ne négligera pas le fossé qui sépare les conceptions herdérienne et hégélienne de l’histoire. Pourtant, Herder est le premier à avoir posé les prémisses de l’historicité pour une interrogation du sens et des limites de la rationalité de l’histoire, et Hegel, pour concevoir le rapport entre esprit et histoire et forger sa conception de l’historicité, s’en est largement inspiré. La restitution de cette source herdérienne de la pensée hégélienne de l’histoire – source à la fois ignorée et occultée – soulève néanmoins un nouveau problème, quoiqu’elle contribue à corriger la représentation d’un Hegel massivement anti-romantique. En effet, on constate que les théoriciens qui se sont attachés à penser et poser l’historicité des productions humaines et qui ont adopté une démarche historiciste ont le plus souvent revendiqué un patronage herdérien et affiché leur rupture avec la pensée hégélienne de l’histoire. On peut se demander en retour si la restitution de la trame «herdérienne» de la pensée hégélienne de l’historicité ne permet pas, ce faisant, d’en redresser des représentations caricaturales mais aussi de lui reconnaître les mérites qu’on veut bien prêter aujourd’hui à la pensée herdérienne de l’histoire.