Abstract
Reinerus de Sancto Trudone est l'auteur d'un commentaire latin sur le De consolatione philosophiae de Boèce. On connaît actuellement quatre manuscrits de ce commentaire, dont celui de Liège, incontestablement le meilleur, nous a servi de manuscrit de base. On y rencontre l'allusion suivante au séjour et à l'activité de l'auteur dans la ville de Malines : socii fidèles et amatissimi mei in discipline palestra machlinie militantes. — Une version française du commentaire de Reinerus de Sancto Trudone a été faite et imprimée à Bruges en 1477 par Colard Mansion. Elle ne contient cependant pas le texte complet de ce commentaire. — Reinerus semble être originaire de Saint-Trond. L'immatriculation à l'université de Cologne est notée comme suit : Reyn de Namurco, m art de S. Trudone. Selon Keussen, Reinerus aurait obtenu sa maîtrise es arts à Paris en 1377. Par ailleurs on ne possède guère de renseignements sur les débuts de sa carrière. Dans les comptes de la ville de Malines du 1er novembre 1383 au 31 octobre 1384, au feuillet 121v, il est mentionné comme secrétaire de la ville : Meester Reynere van Namen der stad clerc. En 1386 il devint titulaire d'un des douze bénéfices fondés à Saint-Rombaut par l'écolâtre Arnoul de Zellaer au milieu du XIIIe siècle. Il fit partie du collège des « zellariens » jusqu'en 1407 et eut pour successeur Arnoul d'Eyndoven. Le 9 janvier 1387 il devint chanoine de l'église palatine à Aix-la-Chapelle et de 1389 jusqu'à sa mort en 1426 il est professeur à la faculté des Arts de Cologne. Presque toutes ces données ont été empruntées à l'étude que le Chanoine Em. Steenackers a consacrée à L'œuvre et la carrière de Reinerus de Namurco alias de Sancto Trudone; cet ouvrage ne fut jamais publié et se trouve actuellement aux archives de l'Archevêché de Malines. Seulement, le savant chanoine ne connaissait pas le manuscrit de Liège : de là la confusion entre la carrière de son personnage et celle de l'auteur de notre commentaire. En effet, le copiste du manuscrit de Liège, qui avait terminé son travail le 28 mai 1381, déclare formellement que Renerus natus de villa sancti trudonis était recteur de l'école latine de Malines et que lui-même avait été son élève pendant ce rectorat. D'ailleurs, ce renseignement est confirmé par maître Régnier de Saint-Trond luimême au début de son commentaire. Or, entre la maîtrise de Reinerus de Namurco alias de S. Trudone, obtenue à Paris en 1377 et la parution de notre commentaire bien avant 1381, date de sa transcription par Michael de Rethy, le laps de temps nous semble vraiment trop court pour composer un commentaire d'une telle envergure, émaillé d'un grand nombre de citations scripturaires, de centaines de références aux auteurs anciens, aux œuvres de St.-Augustin, St.-Jérôme, de St.-Grégoire le Grand, etc. — Cependant, une question s'impose : de quelle école malinoise R. de Saint Trond était-il le recteur ? Il nous semble très probable que c'était l'école fort importante des Ermites de Saint-Augustin. En tout cas, ce ne saurait être la grande école que la ville de Malines entreprit d'organiser au milieu du XVe siècle. Le seul inconvénient nous paraît être le fait que l'histoire de l'école latine érigée par ces religieux est fort peu connue. Le chroniqueur Remmerus Valerius écrit qu'en 1420 l'école des Augustins comptait environ six cents élèves. D'après Nicolas de Tombeur le monastère malinois comptait en cette même année 1420 cinquante religieux prêtres, des diacres, des sous-diacres et des laïcs. Ce fut, selon le chroniqueur Neeffs, l'épidémie de peste de 1458 qui causa la ruine de cet établissement. En résumé, tout ce qu'on sait de R. de Saint-Trond, l'auteur de notre commentaire, c'est qu'il a du enseigner vers 1370-75 à l'école latine des Augustins à Malines et qu'il fut au temps où son élève Michael de Rethy suivit ses cours, recteur de cet établissement. Or, celui-ci mit le point final à la transcription du commentaire de son maître en 1381. — Dans la dernière partie de notre étude nous avons pris soin de démontrer l'étonnante richesse d'information de notre auteur. À cet effet, nous avons rassemblé et identifié les citations abondantes et bien choisies, qui se trouvent dans cet ouvrage et que nous avons l'intention de publier prochainement dans une étude intitulée : De kloosterbibliotheek der Paters Augustijnen te Me helen circa 1350. On ne peut qu'admirer la documentation de premier ordre et de première utilité de notre auteur. Armé d'une érudition indépassable il travaille le texte de Boèce au plus près, le démonte et le recompose, le soumet à la question. Et c'est précisément par la diversité et par l'étendue des questions abordées que ce commentaire constitue non seulement une intéressante source de documentation, qui a été utilisée par plusieurs commentateurs postérieurs, mais en même temps nous permet de reconstituer en grande partie la bibliothèque de l'école latine des Ermites de St.-Augustin à Malines. En plus, l'identification de ces références nous semble une contribution précieuse pour une nouvelle édition de la traduction française de ce commentaire faite par Colard-Mansion en 1477 en dont il ne reste que quelques rares exemplaires, de même que pour une éventuelle publication du texte latin de cet ouvrage majeur, qui n'a jamais vu le jour et qui est l'étude la plus importante, la plus complète, la plus sereine aussi qui ait été écrite au moyenâge sur la Consolation de la philosophie de Boèce