Abstract
Cet article se propose d’analyser le dernier livre de Jean-Yves Lacoste, Être en danger, pour le situer dans le champ plus vaste de la phénoménologie aujourd’hui et ainsi mettre en lumière ses apports spécifiques. L’article montre comment la thèse principale du livre (selon laquelle l’être ne se dit que par ses modes, éclats ou fragments, qui ne pourront jamais s’hypostasier en une chimérique totalité) relativise la question de « l’être en tant qu’être » comme visée ultime de la philosophie (différence d’avec Heidegger), sans pour autant abandonner la question de l’être (différence d’avec Levinas ou Marion). Cette thèse centrale implique une transformation significative de certains présupposés de la phénoménologie la plus actuelle. Trois traits originaux de l’entreprise de Lacoste sont, par là, explicités : 1) sa reconsidération du donné dans une phénoménologie de la fragilité plutôt que de l’excès ; 2) sa réhabilitation de la présence et d’une certaine forme d’intériorité ; 3) enfin, et surtout, son élaboration d’une nouvelle relation à l’histoire et à la tradition, résultat de son refus de « l’histoire de l’être » et de la prétendue « structure ontothéologique de la métaphysique », lieu commun de bon nombre de phénoménologies.