Abstract
La philosophie a isolé comme « éthique » ce qui était une partie substantielle de la religion et non pas sa simple conséquence. Ayant après coup acquis son autonomie humaine, l'éthique conserve de nombreux éléments de ce qu'a constitué la religion, comme il appert de la comparaison entre la philosophie éthique d'Aristote et celle de Kant. Thomas d'Aquin a essayé d'élaborer une synthèse qui justifie l'autonomie de l'éthique dans une perspective théologique. Il s'appuie sur deux principes : celui de la loi naturelle et celui de la finalisation vers le bien. Mais il est difficile de soutenir encore l'analogie entre une loi qui commande les processus de la nature et celle qui doit régir l'action humaine. On ne peut pas non plus baser la loi normative sur le concept de téléonomie. Une anthropologie philosophique axée sur le perfectionnement de l'homme ne donne pas non plus son fondement à l'obligation éthique. L'analyse critique de la conception unitaire des concepts de loi et de finalité met précisément en lumière la spécificité de l'homme en tant qu'être éthique. Il faut distinguer les deux concepts de bien, ontique et éthique, qui correspondent à deux aspects de la volonté et qui orientent ou bien vers une éthique eudémoniste ou bien vers une éthique de l'obligation. L'examen de la relativité propre des deux concepts de bien conduit à reprendre la conception de Kant, car le caractère absolu de l'obligation réside dans sa nature formelle, non ontique. Celle-ci confère à la loi son opérativité négative qui transforme les pulsions et les désirs en respect et en reconnaissance de l'humanité de l'homme. La conscience morale, loi intériorisée, conserve dès lors l'hétéronomie de la parole adressée. Par la dialectique entre la positivité psychique de la négativité de la loi l'homme constitue le bien éthique. Ceci présupose cependant la reconnaissance du caractère sacré de la personne. À la différence de Kant nous estimons que c'est l'humanité de l'homme qui est sacrée et que la loi ne l'est qu'en conséquence. L'absolu de la personne est une donnée première que manifeste l'autoposition du sujet dans l'acte de renonciation. Cet absolu, de nature relationnelle, consiste dans sa capacité de se rapporter à l'absolu. Non nécessaire pour fonder l'éthique, la religion se présente comme son sens ultime. En s'achevant dans la disposition religieuse l'éthique se dépasse sans être abolie