Abstract
RésuméCet article part d'une lecture inhabituelle, inégalitaire, du terme fiṭra dans le Ḥayy ibn Yaqẓān d'Ibn Ṭufayl ; cette lecture modifie de façon conséquente notre compréhension de l'ensemble de l’œuvre. Nous verrons qu’à des moments cruciaux de la démonstration, il n'utilise le terme fiṭra que pour décrire la capacité des êtres à raisonner, ce qui implique qu'un fossé divise l'humanité et défie les acceptions ordinairement égalitaires de la fiṭra. Ce fossé éclaire, selon moi, les implications politiques du conte. Alors qu'Ibn Ṭufayl insiste sur la compatibilité entre la philosophie récemment parvenue en Andalousie et celle, plus établie, de la religion révélée, il montre, à l'aide de la fiṭra, que la vie philosophique n'est destinée qu’à un petit nombre. Prêter attention à l'usage qu'Ibn Ṭufayl fait de la fiṭra peut aider à expliquer l'une des raisons pour lesquelles il écrivit ce conte pour la cour. Son message global accentue le rôle de la religion et tempère l'importance politique de la philosophie de deux façons : d'une part, en avançant que seuls quelques individus choisis sont capables d'accéder à la vérité indépendamment de la révélation ; d'autre part, en refusant à ces êtres exceptionnellement doués la capacité de communiquer leurs découvertes aux masses.