Abstract
Cet article se propose de discuter la façon dont Jean-Luc Marion décrit, dans Au lieu de soi, la formation et la déformation du « modèle augustinien de confession » chez Montaigne et Rousseau. Contrairement au « moi » moderne « encapsulé » en lui-même – tout tiers étant exclu –, la confession telle que la pratique saint Augustin expulse nécessairement l’ego de sa sphère intérieure pour confronter celui-ci à un au-delà qui rend possible la vérité de soi-même. L’écriture de soi chez Augustin est éminemment performative et sa vérité réside avant tout dans l’acte et non dans une adéquation entre la chose et le récit. C’est ce caractère d’expérimentation qui pousse immanquablement le moi en direction d’une transcendance propre à l’attester et qui est au contraire perdu dans l’autobiographie moderne. Pourtant, la naissance de la psychologie expérimentale au siècle de l’Aufklärung et la prolifération des récits de vie à la première personne, notamment de philosophes, nous confrontent, certes dans un contexte désormais plus littéraire et médical, à une démarche d’accès à la vérité de soi-même encore effectuée comme acte d’écriture de soi. À partir de deux démarches autobiographiques, celle de Karl Philipp Moritz dans Anton Reiser et de Salomon Maimon dans la Lebensgeschichte, il sera montré comment, même renversés, certains traits du « modèle augustinien » semblent tenir bon au-delà de l’affaissement rousseauiste.