Abstract
Cet article explore la classification des troubles psychiatriques dans la perspective du modèle des espèces pratiques. En nous basant sur certains travaux en philosophie des sciences qui soutiennent que les éléments chimiques et les espèces biologiques ne possèdent pas de véritables essences, nous affirmons que les troubles psychiatriques ne devraient pas être compris, eux non plus, de façon essentialiste. Les troubles psychiatriques sont des « espèces pratiques », non des « espèces naturelles ». Ce modèle représente une approche pragmatiste de la classification qui pose, compte tenu de l’infinie complexité du monde, qu’une multitude de décisions peuvent jouer un rôle légitime dans la définition des limites des catégories. Il s’agit d’une approche nominaliste contemporaine qui considère les concepts et les catégories comme provisoires et partiels, sans toutefois rejeter l’idée qu’ils sont des espèces légitimes. Ce modèle rejette ce que Ian Hacking a nommé le structurisme inhérent, sans pour autant rejeter les espèces. Le modèle des espèces pratiques rejette aussi l’éliminativisme. Il est en accord avec les arguments non essentialistes offerts par les éliminativistes, mais il n’accepte pas leurs conclusions austères. Je discute finalement les complications et les imperfections du modèle.This article explores the classification of psychiatric disorders from the perspective of the practical kinds model. Based on work in the philosophy of science which argues that chemical elements and biological species do not have real essences, it is argued that psychiatric disorders should not be understood essentialistically either. Psychiatric disorders are practical, not natural kinds. This model represents a pragmatist approach to classification which holds that, because the world is so complex, a multitude of decisions can play legitimate roles in defining category boundaries. It is a contemporary nominalistic approach that views concepts and categories as provisional and partial, but does not reject the notion that there are legitimate kinds. It rejects what Ian Hacking has called inherent structurism, but not kinds. The practical kinds model is also anti-eliminativist. It agrees with the non-essentialistic arguments offered by eliminativists, but does not accept their austere conclusions. Complications and shortcomings of the model are discussed