Abstract
Cet article propose de faire dialoguer Adorno et Bourdieu en explorant certains de leurs textes sur l’opinion personnelle, l’opinion publique et le sondage d’opinion. À partir de leurs réflexions respectives concernant ces phénomènes socialement interdépendants, il s’agit de mettre en relief ce qui rapproche et distingue ces deux penseurs. En examinant d’abord la question de l’intériorisation de la domination par les acteurs sociaux, puis la production sociale et médiatique d’opinions et d’habitus communs, et enfin la consolidation a-critique de ces derniers occasionnée par certains présupposés propres aux sondages d’opinion, l’article analyse trois niveaux différents où opère la domination sociale. Malgré les différences entre ces deux penseurs, je soutiens qu’il existe entre eux une complémentarité critique, théorique et méthodologique, qui permet à la fois de prolonger, d’enrichir et de mettre à l’épreuve aussi bien le projet d’une théorie critique de la société que la sociologie engagée et critique.