Abstract
Depuis 2011-2012, les milieux de migrants russes en France se mobilisent politiquement. On peut observer, d’une part, une mobilisation liée aux mouvements de protestation en Russie à la suite des élections jugées « truquées » et, d’autre part, une mobilisation encouragée par la politique de l’État russe envers « ses » émigrés. L’histoire, le passé, jouent un rôle primordial dans ces mobilisations. Du côté des autorités russes, les concepts et moments clés de l’histoire nationale sont mobilisés pour une construction consensuelle qui est par la suite « imposée » aux migrants, perçus comme les messagers de la parole des autorités russes dans les pays d’accueil. Cependant, cette reconstruction historique par l’État russe se confronte à des contradictions qui sont à la fois internes au projet de l’État russe et relatives aux temporalités subjectives des migrants. Ces dernières fournissent autant de contrepoints et de formes de contestation, explicite ou non, au récit historique unifié que s’efforcent de bâtir les autorités russes. Ces temporalités subjectives se traduisent par des identifications : avec les années 1990 qui, dans le discours politique sur l’histoire russe, sont perçues comme des « années noires » ; avec une « classe sociale » qui appartient au passé ; et enfin, avec des segments spécifiques de l’histoire et de l’espace russes, loin des conceptions totalisantes forgées par le projet extraterritorial des autorités