Hans Kelsen est, sans conteste, le juriste le plus important de ce siècle. Il n'y a pas une seule question de théorie juridique qu'on puisse traiter aujourd'hui sans examiner d'abord l'analyse qu'il en fait, mais son œuvre ne concerne pas seulement le droit et la philosophie du droit ; elle touche aussi la philosophie politique, l'épistémologie, l'éthique ou la logique. Sa théorie du droit représente, à côté du réalisme, l'une des deux branches du juspositivisme moderne, connue sous le nom (...) de normativisme et que lui-même appelait " Théorie pure du droit ". Elle se donne comme une théorie scientifique qui se borne à décrire son objet, le droit positif, et qui donc est " pure " de tout jugement de valeur. La pureté ne concerne toutefois que la méthodologie. Le droit, lui, n'est nullement pur, car il exprime des choix moraux et politiques. La doctrine kelsenienne pure apparaît ainsi doublement politique : d'une part, elle se donne pour tâche de mettre en évidence la fonction idéologique du droit ; d'autre part, dans la mesure où elle analyse les dispositifs juridiques comme des moyens au service de certaines fins, elle peut servir de fondement à une véritable technologie juridique. C'est cette technologie que Kelsen prétendait appliquer à la politique et qui fonde aussi bien son travail de constituant - il est le père de la Constitution autrichienne et de la première Cour constitutionnelle - que ses écrits sur la démocratie. La Théorie générale du droit et de l'Etat présente à cet égard un intérêt exceptionnel. Elle a été écrite aux Etats-Unis, où Kelsen s'était réfugié au début de la Seconde Guerre mondiale. Comme le souligne Stanley L. Paulson dans son introduction, elle constitue une étape marquante dans l'évolution de sa pensée entre le néokantisme des origines et l'empirisme des derniers écrits. C'est aussi une présentation claire, systématique et concentrée de l'ensemble de sa doctrine et c'est le seul ouvrage de Kelsen qui porte à la fois sur les conditions de possibilité d'une science empirique du droit, sur la théorie générale du droit au sens strict - l'analyse structurale de tous les ordres juridiques possibles - et sur la théorie générale de l'Etat - l'analyse des concepts constitutifs de tout Etat possible. (shrink)

Cet article vise à contribuer à la réception des analyses de Bernd Rüthers en France. Depuis trente ans, cet historien du droit a profondément renouvelé l’étude de la crise du droit sous le national-socialisme en mettant en évidence un élément crucial : la subversion du droit par les nationaux-socialistes passa moins par la promulgation de lois spécifiquement nazies que par la réinterprétation du corpus existant dans « l’esprit du national-socialisme ». Partant d’une présentation détaillée des éléments clés de l’analyse de (...) Rüthers – mettant en avant les procédés méthodologiques de la « perversion du droit » –, l’article se propose ensuite de replacer ceux-ci dans le contexte historique qui les a vus émerger, ce qui permet d’apprécier la rupture qu’ils introduisent par rapport à la tradition alors dominante, qui consistait à répondre à la crise du droit par la mise en accusation du positivisme juridique. Cette remise en cause de schémas explicatifs trop simplistes permet d’attirer l’attention vers les dangers inhérents à la science juridique, et l’article se conclut sur l’actualité des problématiques mises en évidence par l’étude du cas national-socialiste. Le premier rempart contre une nouvelle crise du droit semble être une conscience méthodologique nettement plus développée qu’elle ne l’est aujourd’hui au sein de la science juridique. (shrink)

Les etudes sur Averroes (1126-1198) ont porte jusqu'ici, pour l'essentiel, soit sur un aspect de sa psychologie philosophique, soit sur sa doctrine politique. Le premier type d'etudes se situe dans le prolongement de la reception medievale latine d'Averroes, caracterisee par les controverses suscitees par sa noetique. Le second reflete un courant de la recherche qui a domine l'histoire recente de la philosophie arabe et qui a mis l'accent sur l'etude des rapports entre religion et philosophie. Sans negliger ces deux orientations, (...) ce volume, qui rassemble des contributions de specialistes mondialement reconnus d'Averroes, cherche ... donner une vision plus globale de cet auteur en etudiant toutes les facettes de son oeuvre. Il vise aussi ... reequilibrer l'approche de sa pensee, en insistant sur des aspects peu etudies de celle-ci et qui relevent de la logique, de la philosophie naturelle, de la medecine ou de la methodologie juridique. Les etudes ici rassemblees contribuent ainsi ... jeter une lumiere neuve sur cette figure marquante de la pensee universelle. Les etudes sur Averroes (1126-1198) ont porte jusqu'ici, pour l'essentiel, soit sur un aspect de sa psychologie philosophique, soit sur sa doctrine politique. Le premier type d'etudes se situe dans le prolongement de la reception medievale latine d'Averroes, caracterisee par les controverses suscitees par sa noetique. Le second reflete un courant de la recherche qui a domine l'histoire recente de la philosophie arabe et qui a mis l'accent sur l'etude des rapports entre religion et philosophie. Sans negliger ces deux orientations, ce volume, qui rassemble des contributions de specialistes mondialement reconnus d'Averroes, cherche ... donner une vision plus globale de cet auteur en etudiant toutes les facettes de son oeuvre. Il vise aussi ... reequilibrer l'approche de sa pensee, en insistant sur des aspects peu etudies de celle-ci et qui relevent de la logique, de la philosophie naturelle, de la medecine ou de la methodologie juridique. Les etudes ici rassemblees contribuent ainsi ... jeter une lumiere neuve sur cette figure marquante de la pensee universelle. (shrink)

« L’anarchie », comme en témoigne l’omniprésence du qualificatif « anarchique » dans De l’absurdité sur des échasses, est essentielle pour comprendre le chemin argumentatif développé dans la critique benthamienne des droits de l’homme. C’est seulement à partir d’elle qu’apparaissent clairement les différents pans de cette critique, mais surtout son ordre et son sens déterminés par ce qui vaut comme le fondement de toute la critique, la théorie des fictions. Une fois reconnue l’importance de ce fondement, alors la continuité et (...) la systématicité de la critique comme la propension dévastatrice de cette argumentation se déploient entièrement, et devient cette « machine de guerre » contre les droits de l’homme. « L’anarchie » est bien le fil directeur de la critique, en tant qu’elle est le moyen et la fin même de la Déclaration des droits de l’homme pour Bentham. (shrink)

En matière de méthodologie, les juristes ont le plus souvent eu pour réflexe de se réapproprier des modèles provenant d'autres champs de savoir. Cette attitude présente plusieurs difficultés. Elles reposent tout d'abord sur une part de fiction. Les juristes ne sont ni des mathématiciens, ni des physiciens, ni des biologistes, ni des historiens, ni encore des sociologues. Tout au mieux font-ils comme s'ils Tétaient. Par ailleurs, bien que les réappropriations méthodologiques opérées visent fréquemment à ériger le savoir juridique (...) au rang de science, cette prétention n'est pas exempte d'ambiguïtés, ni de malentendus. Cela tient essentiellement au fait que, dans le domaine juridique, il existe deux niveaux de langage, à savoir le langage du droit lui-même et le langage du savant qui l'appréhende. Du point de vue d'une méthodologie analytique, ces deux niveaux devraient être rigoureusement distingués. Toutefois leur confusion est régulièrement entretenue. Pour certains, en effet, les juristes feraient d'autant plus preuve de science qu'ils se révèleraient capables de reproduire, parfois en vue de les prédire, les méthodes, les raisonnements et les solutions retenus par les autorités normatives qu'ils observent. Pour d'autres également, le métier de juriste est avant tout celui d'un bon connaisseur de la technique du droit positif. Cette proximité gardée à l'égard de l'objet analysé est mal comprise par les autres sciences humaines et sociales qui situent les efforts de distanciation et d'objectivation au rang des premiers réquisits méthodologiques du savoir scientifique. Dès lors, les réflexions méthodologiques dépassent les enjeux internes au champ juridique. Elles sont cruciales pour qui veut comprendre les déplacements épistémologiques dont sont porteuses l'évolution des techniques de connaissance et l'affirmation d'objets transverses qui défient les découpages disciplinaires hérités du siècle dernier. Cette troisième édition a été enrichie de nouveaux développements sur le pragmatisme et les méthodes de l'interdisciplinarité. (shrink)

This paper adopts an economic interpretation of the legal process, explaining legal change as the outcome of the complex interplay of entrepreneurial forces operating inside, as well as outside the legal system. The question of concern is whether the concept of entrepreneur as elaborated by Kirzner in a theory of the market process can be extended to understand the legal process as well. The focus on the alertness of legal decision-makers, their capacity to learn from experience and the multitude of (...) legal and nonlegal sources they are referring to, seems to provide a possible methodology for an economic approach to law that avoids the exaggerated belief in the objectivity, determinacy and cogency of legal reasoning typical for mainstream law-and-economics, and at the same time the opposite exaggeration of law’s radical subjectivity and indeterminacy characterizing most of contemporary critical legal literature.Cet article adopte une interprétation économique du processus juridique en expliquant l’évolution du droit comme le résultat de l’interaction complexe de forces entrepreneuriales opérant à l’ intérieur et à l’extérieur du système juridique. Il s’agit de montrer que le concept d’entrepreneur élaboré par Kirzner pour expliquer le fonctionnement du processus de marché peut offrir une méthodologie également pour comprendre les processus de production du droit. En mettant l’accent sur la vigilance des décideurs, leur capacité d’apprendre par l’expérience, ainsi que la multitude des sources juridiques et extrajuridiques auxquelles ils se réfèrent, une approche économique du droit qui renvoie à cette théorie de l’entrepreneur, peut éviter d’un côté l’hypothèse irréaliste d’omniscience de l’autorité juridique qui sous-tend l’analyse économique traditionnelle du droit et de l’autre côté, l’hypothèse opposée non moins exagérée de la subjectivité et de l’indétermination radicales de l’évolution juridique qui caractérise une partie dominante de la littérature juridique critique contemporaine. (shrink)

Résumé L’article décrit le statut jurilinguistique des animaux qui découle des codes civils polonais et français. Le but est de vérifier si la législation de ces deux pays suit les changements sociaux liés à l’attitude des humains envers les animaux. L’étude s’appuie sur la méthodologie de l’image linguistique du monde — l’auteur essaie de reconstruire la définition d’_animal_ à partir des emplois de ce nom dans les deux actes normatifs. L’analyse sémantique des dispositions juridiques démontre que, dans les deux (...) codes, les animaux fonctionnent tout d’abord comme objet de différents droits et obligations, comme une partie du patrimoine, une chose qui dépend entièrement de l’homme et lui appartient. L’animal n’est pas considéré comme une catégorie distincte, mais il est soumis au régime des biens. En effet, les droits civils polonais et français tendent à réifier les animaux, en leur refusant un statut juridique différent de celui des choses et en restant indifférent aux changements sociaux contemporains. (shrink)

Bobbio est l'un des fondateurs et l'un des principaux représentants de la théorie du droit de tendance analytique, qui constitue aujourd'hui le courant le plus important du positivisme juridique. Pour lui, à la différence d'un Kelsen, le droit n'est rien d'autre qu'un discours, un ensemble d'actes de communication linguistique prescriptifs, c'est-à-dire des énoncés (ni vrais, ni faux), visant à influer sur la conduite d'autrui. Par conséquent, la science juridique n'est pas une science " normative ", mais plus simplement (...) une analyse linguistique : l'analyse du discours du législateur. La science du droit est ainsi réduite par Bobbio à un " discours sur un discours ", un métalangage descriptif. Mais, dans la mesure où ce discours remplit une fonction sociale, la théorie du droit constitue aussi un instrument d'analyse du pouvoir et le droit peut être compris comme un ordre qui organise l'usage de la force. La méthode analytique jette ainsi un jour nouveau sur les grands problèmes de la méthodologie et de la théorie du droit. L'ouvrage est enrichi d'une étude sur l'œuvre et la méthode de Bobbio, par Riccardo Guastini, professeur à l'Université de Gênes, l'un des meilleurs représentants actuels de l'école analytique italienne. (shrink)

Cet article se veut une présentation des méthodes principales que nécessitent les études en géolinguistique, un vaste domaine de recherche consacré à l’analyse de la variation, du changement et de la diffusion linguistiques. Je présenterai d’abord les outils méthodologiques d’enquêtes de terrain indispensables à la constitution d’un corpus de matériaux oraux (et visuels) qui permettent des analyses géolinguistiques, dont également celles de type comparatif. Plusieurs de ces concepts pourraient être appliqués à d’autres disciplines des sciences humaines en raison de leur (...) caractère général. Ensuite, je montrerai quelles sont les méthodes cartographiques les plus appropriées pour présenter et représenter la variation géolinguistique. Des données de l’Atlas linguistique des variétés berbères du Rif (Lafkioui 2007) seront utilisées pour illustrer les méthodes examinées. (shrink)

Dans ce chapitre publié en 1894, Heinrich Waentig (1870-1943) ne présente pas Comte comme une victime qu’il s’agirait de défendre. Il essaie plutôt de marginaliser les critiques de Comte qui dominent l’espace académique germanophone à cette époque. Il insiste sur le « triomphe » annoncé de la méthodologie comtienne, répond aux critiques de Dilthey et reprend certains arguments de son maître de Leipzig, Wilhelm Wundt. Waentig rend hommage à la méthode comparative qui permet de dégager les faits typiques d’une (...) manière beaucoup plus pertinente que celle adoptée par l’économiste Carl Menger. Ce texte est donc aussi pour lui l’occasion de prendre position dans la querelle opposant Schmoller à Menger. (shrink)

This book gives a systematic account of Martin Heidegger’s methodology. Contrary to the widespread conception that Heidegger’s (late) philosophy is lacking any kind of verifiable, provable insights, the author shows that a rejection of the scientific method does not imply a rejection of methodological, rigorous thinking. In fact, it can be shown that the method of Heidegger’s philosophy is more rigorous, more strict and more radical than the scientific method. But because the scientific method is conceived of as the non-plus-ultra (...) even within philosophy, in order to outline Heidegger’s methodology we have to give an account of his criticism of the scientific method. By showing the limitations of modern science, we can unfold the possibilities of philosophy. -/- The book consists of four parts: The first part is about Heidegger’s concept of subjectivity and his criticism of the Cartesian subject-object-dichotomy. The main argument of the first part is that the ‘subject’, inasmuch as it is understood ontologically, is essential for philosophy. We outline this – following Steven G. Crowell – as the philosophical significance of the first-person-perspective (Heidegger’s early philosophy between 1919 and 1927). -/- The second part is about what we call an ontological theory of constitution: A radicalization of the Kantian transcendental philosophy which does not orbit around transcendental subjectivity, but rather around concrete subjectivity (Dasein vs. the transcendental ego). We take a closer look on what Heidegger has written between 1927 and 1930. -/- The third part is about Heidegger’s late philosophy. The main topic of this third part is Heidegger’s “seynsgeschichtliche Besinnung auf das machenschaftliche Wesen der neuzeitlichen Wissenschaft“ – which is in essence a closer look on what modern science is, on its relation to technology, and on its very own historicality. We discuss the most famous published texts and lectures between 1930 and 1976, but focus on Heidegger’s Nietzsche lectures and his second magnus opus: the Contributions to Philosophy. -/- This criticism of modern science is the stepping stone for the fourth and final part, in which we take all the pieces and put them together by giving a systematic account of Heidegger’s methodology. In this final part we take a step back from Heidegger’s texts (and from his language) and confront Heidegger with the most famous criticism by Carl Friedrich Gethmann and Jürgen Habermas. -/- This allows us to give an account of the central concepts of Heidegger’s methodology: truth, knowledge and validity. We also talk about the status of philosophical concepts and in general: philosophical language, about Heidegger’s theory of philosophical conceptualization, which is known as the method of formal indication and about the possibility of an ontological foundation of modern science and epistemology. -/- ---------------------------------------------------------------------------------------------- GERMAN------------------------------------------------- -/- Der methodische Status insbesondere der Spätphilosophie Heideggers ist ein Problem: Mit den Mitteln der traditionellen Methodenlehre können die Aussagen dieser Philosophie nicht ausgewiesen und auch nicht begründet werden. Mit der neuzeitlichen Wissenschaft und ihrer Methode hat sie nichts mehr gemein. Aber muss dies heißen, dass diese Philosophie ihre Erkenntnisse überhaupt nicht mehr ausweisen kann? -/- Ich habe in dieser Arbeit versucht zu zeigen, dass auch die späte Philosophie Heideggers Methode hat. Auch wenn Heidegger in fast an den Mythos erinnernder Art und Weise über die Verbergung und das Sich-entziehen des Seyns spricht, handelt es sich um methodisch überprüfbare, ausweisbare Aussagen. Nur wird in Heideggers Methodologie Ernst gemacht mit dem Gedanken, dass die Philosophie eine eigene Methode braucht und sich nicht wie blind an der neuzeitlichen Wissenschaft orientieren dürfe. Eine Methode, die sie zum Teil für sich erst entwickeln muss. -/- Die Grundbegriffe dieser ‚neuen Methodologie‘ zu klären, war das Hauptanliegen dieser Arbeit. Es ging um den Wahrheits-, Erkenntnis- und Geltungsanspruch dieser Philosophie. -/- Dafür habe ich einen Blick geworfen insb. auf die frühe Philosophie Heideggers (1. Teil: 1919-1927), auf die wichtigen Texte und Vorträge im Kontext von Sein und Zeit (2. Teil: 1927-1930) und auf die Texte zu Nietzsche, zu den Beiträgen und zu Wissenschaft und Technik (3. Teil: 1930-1976). In einem vierten Teil habe ich die Grundzüge dieser Methodologie skizziert. Ich habe mich dabei an der Kritik von Jürgen Habermas orientiert, der am bekanntesten und am stärksten die These vertreten hat, dass die Spätphilosophie Heideggers irrational sei. Auch hier kam ich zu dem Schluss, dass Heideggers Kritik an dem okzidentalen Rationalismus nicht in die Irrationalität führen muss, wie Habermas nahelegt, sondern dass dadurch ein kritisches Verständnis von Rationalität möglich wird. (shrink)

Ce livre achève le parcours tracé par une trilogie (phénoménologie, ontologie, anthropologie) dont l'objet était de mettre en valeur les fondements éthiques du Droit. La méthodologie ici présentée recentre les axes essentiels de cette philosophie du Droit, afin d'en saisir d'un seul tenant les étapes essentielles. Les perspectives entrouvertes postulent les fondements théologiques du Droit qui donneraient un sens, de surcroît, à l'ensemble du cheminement philosophique.

Au début de son livre sur la religion de Jésus, Geza Vermes exprimait son aversion pour la méthodologie. Selon lui, elle menace l'inventivité du chercheur, car « la recherche ne doit pas être liée par des règles trop strictes » et mieux vaut faire preuve de « pragmatisme ». La vigueur de la critique que John Meier adresse à son collègue illustre fort bien son refus de l'amateurisme. « Au bout du compte, dit-il dans l'introduction au troisième volume , (...) en écrivant ces trois tomes, j'ai été convaincu, à partir de ma propre expérience, que méthodologie et critères ont beau paraître ennuyeux, ils n'en sont pas moins indispensables pour empêcher le chercheur de trouver dans les données ce qu'il avait décidé d'y voir ». Dans les pages qui suivent J. Schlosser tente d'abord de donner une présentation générale de la méthode utilisée par Meier en la situant dans la discussion en cours, puis il analyse comment elle est appliquée concrètement dans la longue étude que l'auteur a consacrée au règne de Dieu.At the beginning of his book on the religion of Jesus, Geza Vermes expressed his own aversion to methodology. According to Vermes, it threatens the inventiveness of researchers because “research must not be bound by rules that are too strict” and it is better to rely on “pragmatism”. The vigorous critique that John Meier addresses to his colleague illustrates quite well his refusal of amateurism. Meier notes in his introduction to the third volume that he is convinced on the basis of his own experience that methodology and criteria may well appear boring, but that they are nonetheless indispensable in preventing the researcher from finding only what he had decided to look for in his data. In the article presented here, Jacques Schlosser endeavors to provide a general presentation of the method utilized by Meier by putting it into the context of present discussion, and then he analyzes how this method is applied concretely in the long study which Meier devotes to the reign of God. (shrink)

La méthodologie exposée dans cet article a été élaborée voici plus de vingt ans pour et avec les enfants victimes de viols, l’ampleur des dégâts psychiques ayant été révélée par l’expertise judiciaire. La démarche théorique s’inspire de la phénoménologie des modes d’expression du sujet qui s’avèrent être à la fois révélateurs et moteurs thérapeutiques du trauma. La démarche pratique renvoie au constat de l’adéquation universelle du conte avec la mentalité infantile, tricotant un espace de fiction transitionnelle, facteur de résilience. (...) L’expérience de création de contes avec les enfants victimes d’agressions psychocorporelles a objectivé les indicateurs de destruction et corrélativement les indicateurs de reconstruction psychique de l’identité. Cette méthode propose dix ancrages thérapeutiques à partir de balises narratives dûment décryptées. La thérapie par le conte créatif est applicable à toute autre problématique traumatique, en collectif ou en individuel. (shrink)

The Newtonian research program consists of the core axioms of the Principia Mathematica, a sequence of force laws and auxiliary hypotheses, and a set of methodological rules. The latter underwent several changes and so it is sometimes claimed that, historically seen, Newton and the Newtonians added methodological rules post constructione in order to further support their research agenda. An argument of Duhem, Feyerabend, and Lakatos aims to provide a theoretical reason why Newton could not have come up with his theory (...) of the Principia in accordance with his own methodology: Since Newton’s starting point, Kepler’s laws, contradict the law of universal gravitation, he could not have applied the so-called method of analysis and synthesis. In this paper, this argument is examined with reference to the Principia’s several editions. Newton’s method is characterized, and necessary general background assumptions of the argument are made explicit. Finally, the argument is criticized based on a contemporary philosophy of science point of view. (shrink)

« J'espère que le lecteur verra clairement que ce livre n'est pas écrit contre l'exégèse moderne » : l'étude de l'Avant-propos de son livre, désormais fameux, sur Jésus de Nazareth, pose la question du rapport personnel de Benoît XVI à ce qu'il appelle le plus souvent la « méthode historico-critique » tout en traitant des apports et limites de cette « méthode ». Par delà quatre siècles d'histoire de l'exégèse critique, qu'en est-il de ces rapports ? Les évangiles et surtout (...) la personne historique du Christ ont-ils bénéficié ou souffert de l'exégèse moderne ? Benoît XVI soulève ici un problème grave qu'il ne convient pas d'écarter une fois de plus, exégètes et théologiens campant sur leurs positions, et le lecteur des évangiles risquant l'incertitude par rapport aux difficultés que les évangiles lui présentent. Cet article s'efforce de montrer les attendus des positions complexes de Benoît XVI par rapport à l'exégèse, tout en rappelant les fondements du projet critique pour le service des croyants. “I hope that the reader will clearly see that this book is not written against modern exegesis”: study of the Preface to his now famous book on Jesus of Nazareth raises the question of Benedict XVI's personal relationship to what he most often calls the “historical-critical method”, all the while examining the contributions and limits of this “method”. After four centuries of the history of this critical exegesis, how do things now stand? Have the gospels and above all the historical person of Christ benefited or suffered from modern exegesis? Benedict XVI raises a serious problem here that should not be simply set aside once again, with exegesists and theologians holding steadfast to their positions, and the reader of the gospels left prey to uncertainty in regard to the difficulties that those gospels present for him or her. This article will endeavor to show the motives behind the complex positions of Benedict XVI in relation to exegesis, while recalling the foundations of its critical project in the service of believers. (shrink)

Dans ce commentaire, je voudrais me referer a la solution fondamentale metodologique que propose Levinas dans ses analyses de l'experience de Dieu. La philosophie de Levinas, φιλοσοφία πρώτη, est avant tout une philosophie premiere, donc la metaphysique ; elle n'est ni l'anthropologie ni la theologie naturelle, sinon la metaphysique de l'intention. C'est pour cela quo Jean Lacroix a appele Levinas dans „Le personnalisme comme anti-ideologie" „le plus grand metaphysicien vivant de l'inspiration personnaliste". Aujourd'hui, apres la mort de Levinas survenue a (...) Noel 1995, tout le contenu de cette opinion roste actuelle, sauf quo Levinas ne seit plus contemporain. Neanmoins, il nous est proche, comme l'a suggere J. Derrida conformement a la definition de la proximite, faite par Levinas memo, comme „a-Dieu". (shrink)

Il importe de distinguer les aspects juridiques, économiques et politiques pour étudier le fédéralisme au sein de l’Union européenne et apprécier les enjeux démocratiques qui y sont liés. Si l’UE ne peut être considérée comme une fédération, elle contient indéniablement des éléments fédéralistes spécifiques selon chacun de ces aspects. L’opposition dialectique entre le fédéralisme de la Cour de Justice de l’Union européenne et de l’antifédéralisme de certaines Cours constitutionnelles nationales a fini par faire prévaloir le principe de la coopération loyale (...) dans le domaine juridique, cependant que l’Union économique et monétaire a instauré le fédéralisme dans la sphère économique avec la suprématie de la Banque centrale européenne et de la monnaie unique. Dans le champ politique, pourtant, l’intergouvernementalisme qui prévaut dans les institutions européennes entrave le processus de prise de décision. On soutiendra ici que la structure politique de l’UE devrait intégrer davantage d’éléments fédéralistes, en particulier un véritable gouvernement et un Parlement européen politiquement plus puissant, mais aussi que le moyen d’y parvenir est en partie économique, à savoir le développement des ressources propres. (shrink)

En philosophie du droit, on a coutume d’opposer juspositivisme et jusnaturalisme et de placer Jeremy Bentham dans la première catégorie. Plusieurs auteurs tiennent même Bentham pour le père du juspositivisme. Je prétends pour ma part que cette façon de classer Bentham est inadéquate et nécessite une importante mise au point. S’il est vrai que Bentham était un adversaire des doctrines du droit naturel, il ne s’ensuit pas pour autant qu’il appartient au positivisme juridique; et les raisons qui pourraient justifier (...) le classement de Bentham parmi les juspositivistes militent aussi pour son association au jusnaturalisme. Que faut-il entendre exactement par « positivisme juridique », et en quel sens Bentham y adhère-t-il? C’est à cette double question que le présent article est consacré. (shrink)

Dans le système français, comme dans celui des familles de droit continental, le droit est édicté par un pouvoir et son interprétation est placée sous le contrôle des seules cours suprêmes. Ce modèle vertical a été mis à l’épreuve au début des années soixante par l’introduction de l’informatique juridique. Les premières banques de données décisionnelles s’adressent aux professionnels, et se fondent sur un principe documentaire (I). Le décret du 7 août 2002 pose le principe d’un droit d’accès gratuit du (...) public aux données essentielles du droit, fondé sur la sélection des sources (II). En 2007, le principe d’exhaustivité est à l’origine d’une base décisionnelle des arrêts d’appel, mais sans ouverture au public (III). Enfin, la loi du 7 octobre 2016 introduit un principe d’accès gratuit du public aux décisions des juridictions du fond, ouvrant un droit de réutilisation dont s’emparent les producteurs de logiciels de justice prédictive (IV), et impliquant un renouvellement de la théorie de la jurisprudence (conclusion). (shrink)

Summary Ordinary language philosophers frequently draw on the fact that an appropriately selected sentential combination of the form p but not q can, or cannot, be uttered without absurdity; however, they do so without sufficient reflection on the methodology of such combination tests, which results in considerable shortcomings even in practical application. To improve things, I shall discuss two criteria for distinguishing ‘pragmatic’ from ‘non-pragmatic’ implications and for separating the latter into ‘linguistic’ (‘semantic’ and ‘syntactical’) and ‘non-linguistic’ ones (2–3); consider (...) the bearing of the principle of ‘sense-constancy‘ on the applicability of combination tests (4); and call attention to the important, though merely heuristic, function of investigating pragmatic, as opposed to semantic, implications (5.1–5.2). Finally, I shall hint at a striking analogy between the linguistic (yet non-empirical) method of combination tests, the phenomenological method of ‘fictional variation’, and the empirical method of ‘conjectures and refutations’ (5.3). (shrink)

Afin de mettre en exergue la spécificité de la jurilinguistique, le présent article examine une des particularités du langage du droit, l’utilisation des abréviations dans les textes juridiques, sur laquelle il est, je pense, essentiel de faire des recherches comparatives. Dans ce contexte, ma tâche est d’expliciter la nécessité d’une étude comparative en jurilinguistique en prenant pour appui des travaux que notre groupe de recherche a réalisés sur les abréviations juridiques finlandaises. (Ce groupe de recherche comprenait Anne Jussila, licenciée ès-lettres, (...) Outi Kaltio, licenciée ès-lettres, et l’auteur de ces pages.). (shrink)

1. Directives méthodologiques de Descartes. — 2. Définition de la méthodologie générale. Trois sections de la praxéologie : détermination des notions, typologie et critique des notions, partie normative. — 3. Détermination des notions praxéologiques. — 4. Typologie et critique des actions : a) Description et enregistrement des diverses formes de l’action ; b) exemples de progrés pratique ; c) exemples de pathologie de l’action. — 5. Normes de la méthodologie générale. — 6. Élements praxéologiques des autres sciences. — (...) 7. Ce qu’on peut encore faire dans ce domaine. — 8. Rapport de la praxéologie à l’éthique. (shrink)

L’analyse du jugement juridique par ce que l’on appelle le réalisme juridique entend souligner la dimension subjective qu’implique l’acte de juger et la part importante de pouvoir discrétionnaire dont bénéficient les juges. Néanmoins, loin de verser dans une analyse psychologisante et naïve, le réalisme d’hier et celui d’aujourd’hui sollicitent les outils et exploitent les résultats que les autres sciences sociales leur offrent pour mettre en évidence la complexité du jugement juridique qui ne saurait être réduit à une (...) opération purement logique et déductive ni avoir l’ampleur d’une argumentation philosophique. (shrink)